
1999. Le cinéma prend une grosse claque dans la gueule avec un roman d’anticipation adapté à l’écran et qui restera gravé dans la toile pour ne plus jamais s’en défaire : Fight Club. Avec le soleil brillant qui se pose et les salles sombres qui sont désertées, Fight Club 2, la bande-dessiné, arrive à point nommé comme une pisse dans la bisque de homard ou un gros pet sur une meringue.
Glisse ?
La suite tant attendue du roman de Chuck Palahniuk, Fight Club est enfin dans toutes les bonnes librairies, et aussi les mauvaises. Personne ne peut passer à coté de ce roman noir, cette représentation saisissante du mal-être de la société des années 90. Ce roman adapté au cinéma par David Fincher, a qui l’on doit, entre autres, Seven et Zodiac. Epaulé par le jeu d’acteur d’un enfant paumé de 30 ans (Edward Norton) et de son alter-ego, le chef « cool » d’une secte vouée à la destruction de la société moderne (Brad Pitt), voir de ses alter-égos selon les théories (Marla Singer, Bob, la maison…), Fight Club, le film, déchire les chroniques en 1999.
La différence notable, comme dans toutes les adaptions : la fin. Le drame en 16/9 laisse le spectateur avec une happy end. Malra amourachée d’un héros face à la mort de son double démoniaque sur fond de bâtiment en explosion, symbole de la limite de notre société. Le roman, lui entrouvre la possibilité du retour de l’anti-héro, de l’antéchrist du capitalisme.
La copie, d’une copie, d’une copie, copie ?
Que reste-t-il de l’héritage de Tyler Durden ? Publié aux états-Unis chez l’éditeur Dark Horse, entre mai 2015 et mars 2016, sous forme de comic book, Fight Club est de retour dans les contrées francophones sous forme de gros roman graphique. Entre les deux « romans » dix ans se sont écoulés. Marla Singer vie désormais avec Sébastian, c’est la première fois que le prénom du protagoniste campé par Edward Norton est dévoilé. La comparaison avec la vie monotone de monsieur tout-le-monde en est glaciale. Englué dans une haïssable petite existence bourgeoise, Sebastian est marié dans une maison pavillonnaire avec fils « futé » qui compose de la salpêtre artisanal à partir de crotte de chien moisit.
Au moins l’héritage est transmis. Sebastian bosse, le retour de la caricature portant des chemises Calvin Klein n’est pas loin, cependant, le looser du premier opus s’est désormais qu’il n’est pas comme les autres. Il gobe des petites pilules pour entraver sa schizophrénie et son vieil ami. De son coté, Marla, continue de s’amuser dans des groupes de paroles, les A.A. et cancéreux ont laissé leur place à des « enfants-âgés » atteint de progéria (accélération du processus de vieillissement). Sa dernière bonne idée en date sera de remplacer les cachets de son mari par du sucre et de l’aprinie, histoire que Tyler Durden reviennent divulguer l’enseignement déjà culte du Fight Club.
La suite n’est qu’un gros bordel, une explosion magistrale de chaque neurone de Palahniuk accentuée par l’effervescence de l’écume des lèvres mélangée au sang de l’œsophage. L’envie de folie de l’auteur s’entrechoque avec la véracité du mec rangé du « père qui aimé bien se bagarrer avant », comme le dit Sebastian. Mais s’en en dire plus l’illumination verbale prendra vite place, à la manière de « Qu’est-ce qu’un auteur ? » , « Ainsi parlait Zarathoustra », « Illumination », ou dans un registre plus détendu « DeadPool ».
Avec Fight Club 2, Chuck Palahniuk et Cameron Stewart réussissent à retrouver l’interpellation et la réflexion diffusée tout au long du roman et du film, en bousculant les codes comme Chuck y arrive si bien depuis plus de 20 ans. Malgré son « âge de père », son envie de renouer avec cette image, en tout cas à première vue, la vérité foudroyante que la génération de Sebastian, malgré la « sagesse » des responsabilités reste « les enfants oubliés de l’histoire mes amis. On n’a pas de but ni de vraie place. On n’a pas de grandes guerres, pas de grande dépression. Notre grande guerre est spirituelle, notre grande dépression c’est nos vies. »
Fight Club 2 de Chuck Palahniuk et de Cameron Stewart est disponible aux éditions, Super 8, c’est un beau bébé de 264 pages.
Pour le plaisir Tyler Durden vient terminer l’article : « La première règle du Fight Club, c’est qu’on ne parle pas du Fight Club. Tous les week-ends, dans certains endroits des Etats-Unis, des jeunes gens tout à fait comme il faut se mettent en petite tenue et se battent à poings nus aussi longtemps que possible. Puis ils retournent à leur vie de tous les jours, arborant yeux pochés et dents déchaussées, avec le sentiment qu’ils sont prêts pour affronter n’importe quoi. »