
Réalisé par Leslee Udwin, India’s Daughter devait être diffusé pour la journée des droits de la femme 2015 en Inde et au Royaume-Uni mais le 1er mars, il est révélé que la réalisatrice a inclus dans son documentaire des interviews des violeurs et des assassins de Jyoti Singh. La diffusion est alors avancée au 4 mars et également mis en ligne sur YouTube, le gouvernement indien a interdit la diffusion de ce documentaire tant à la télévision que sur internet.
Le 16 décembre 2012, après ses examens de fin de semestre Jyoti Singh, étudiante en physiothérapie, décide d’aller voir « Life of Pi » avec un ami, Awindra Pratap Pandey. Ils prennent un bus privé pour rentrer chez eux. Lorsque l’un des hommes présent à bord demande à Awindra ce qu’il fait dehors avec une fille si tard, celui-ci le gifle et lui répond que ce ne sont pas ses affaires. Awindra se fait alors battre et Jyoti est à son tour agressée et violée par les six hommes à bord du bus . L’un des hommes la violera également avec un barre de fer afin détruire ses organes internes. Jyoti et Awindra seront jetés nus sur le bord de la route et seront secourus quelques heures plus tard. Awindra survit mais Jyoti décède treize jours plus tard des suites de son agression malgré les soins apportés par les médecins. Les accusés sont appréhendés et jugés coupables de viol, de meurtre, de kidnapping, de vol et d’agression. L’un d’eux meurt en prison, les quatre autres adultes sont toujours dans les couloirs de la mort et l’homme mineur au moment des faits devrait sortir du centre de rétention juvénile où il purgeait sa peine en décembre 2015.
Le documentaire de Leslee Udwin retrace les événements du 16 décembre, les suites judiciaires de l’affaire ainsi que la réponse du peuple indien face à cet ignoble crime. En effet, dès l’ébruitement de l’affaire, des centaines de milliers de personnes descendent dans les rues pour montrer leur solidarité avec les victimes. La polémique entourant India’s Daughter a trait à la parole donnée aux coupables et à leurs avocats qui n’expriment aucun remord et vont même jusqu’à justifier leur crime ainsi qu’à une peinture occidentale et donc potentiellement colonialiste des faits. Un autre point plus insidieux est le titre du documentaire qui caractérise une femme comme une fille et donc comme un être ayant besoin de protection.
J’ai regardé ce documentaire avec mon compagnon qui est à moitié indien, après qu’il ait eu une réaction très violente à la lecture d’un article résumant le film et les points négatifs de ce dernier. Nous sommes tous les deux féministes et très sensibles à la question des droits humains.
J’ai été meurtrie de voir les parents de Jyoti raconter son histoire. J’ai été fière dans mon ego féministe lorsque sa mère confie à la caméra que Jyoti avait demandé à ses parents de se servir de l’argent qu’ils avaient économisé pour son mariage pour payer ses frais de scolarité. J’ai vu cinquante nuances de rouge et imaginé les pires tortures lorsque les coupables et leurs avocats parlaient du crime et de la femme en général. Mais le sentiment dominant que j’ai ressenti à la fin de ce documentaire est le suivant : la fierté humaine. Je ne trouve rien de plus beau au monde que le soulèvement populaire et la force et la volonté des gens de tous horizons qui veulent une société plus juste et meilleure pour tous leurs concitoyens.
Il ne faut cependant pas oublier l’atrocité et la gravité de ce qu’il s’est passé. Il me semble également dangereux de reléguer le statut des coupables au rang de « monstres » ou de « sous-hommes » car ce serait nier la réalité de ce qu’ils ont fait. Grâce à des entretiens avec leurs familles, le spectateur peut voir que les criminels ont grandi dans une extrême pauvreté et qu’ils n’ont pas été à l’école. Ce qui n’excuse ni ne justifie leurs actes, évidemment.
On apprend dans le documentaire une statistique effroyable : en Inde, une femme serait violée toutes les vingts minutes. En France, entre 2010 et 2012, 83 000 femmes ont été victimes de viols ou de tentatives de viols. (source : http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/violences-de-genre/reperes-statistiques-79/)
Nous avons le devoir de nous éduquer et d’apporter la plus grande attention au traitement et au bien-être des femmes dans nos sociétés. Comment faire au quotidien ? Considérons la femme pour ce qu’elle est, un être humain à part entière, et pas comme une « fleur [à] protéger dans un temple. ».
Pour aller plus loin :
India’s daughter : http://youtu.be/mxkMzBqjgw8
Campagne Il Pour Elle : http://www.heforshe.org/fr
Care France, qui place la femme au centre de ses actions humanitaires : http://www.carefrance.org/care/care-femmes/
Le Ted Talk de Chimamanda Ngozi Adichie, dont une partie a été reprise dans la chanson « Flawless » interprétée par Beyoncé : http://youtu.be/hg3umXU_qWc