Depuis janvier 2016, l’Ecole Normale Supérieure organise des séminaires sur la culture hip-hop. Le Grand Bestiaire propose quelques ouvrages clés, histoire de ne pas se perdre dans les méandres scolaires.
« Séance exceptionnelle du séminaire d’élèves consacré au rap, intitulé La Plume et le Bitume, et organisé au LILA par Emmanuelle Carinos et Benoît Dufau, à l’Ecole Normale Supérieure ». L’information tombe sur le feed d’actu et n’importe qui serait sur le cul.
Les grandes écoles s’ouvrent à cette culture révolutionnaire. Le séminaire ouvert à tous souhaite proposer une approche stylistique du rap français. L’ENS propose une analyse du « style que t’entends », comme dirait le DUC. Les têtes blondes tentent de percer le mystère du flow et du texte. Les premiers experts de la prose qui ont limé leur cervelle avec les étudiants sont des artistes reconnus par la critique et le public : Vîrus, Lino d’Ärsenik, Kohndo de La Cliqua, Dooz Kawa et Casey ont exposé leur rapport à l’écriture : en d’autres mots les « obsédés textuels » exposent leur « sale littérature ».
L’entrée est libre pour chaque séminaire et chaque rencontre, une inscription est de rigueur pour se faciliter l’accès à l’ENS. Pour s’attaquer de manière intensive dans cet univers, le Grand Bestiaire vous propose un florilège d’ouvrage sur le mouvement hip-hop et plus particulièrement sur le courant français.
Les experts racontent
Tout d’abord, deux ouvrages incontournables sur le rap français. Le premier est assez global. Olivier Cachin, le journaliste qui a donné ses lettres de noblesse au rap dans le giron médiatique français, livre ses 100 albums essentiels du Rap. Agrémenté d’une préface écrite par Joey Starr, le journaliste explore la musique de ceux qui ont écrit « Avec leur sang, leurs tripes et leur arme fatale : un micro. Le rap est une musique sauvage, malpolie, brutale, choquante. C’est aussi la dernière expression poétique et lyrique d’une pop contemporaine qui a abandonné l’utopie pour s’installer dans la routine. » De Dr. Jeckyll & Mr. Hyde à Geto Boys en passant par Minister Amer, rien n’est laissé au hasard, un joli medley entre œuvre incontournable et choix qui seront discutable dans 50 ans.
Dans la même veine, la machine-interview de l’ABCDR du Son Medhi Maïzi, propose son rap français : une exploration en 100 albums. 100 disques différents, sans réel hiérarchisation, une élucubration de classiques entrecoupés d’une mise en avant d’artistes qui ont fait évoluer leur musique et qui ont été oublié.
La parole aux anciens
Lorsque des pionniers parlent, il faut les écouter. Dans ce registre : Akhenaton et Joey Starr sont des darrons en la matière. Si le rap d’outre-Atlantique a longuement gravité entre deux clans – le West Coast et East Coast – le rap hexagonale a joué la carte du Paris-Marseille, avec, malgré eux, NTM et IAM comme porte-étendard. Dans Face B, Akhenaton, le petit-fils d’immigrés napolitains, né en 1968 et élevé dans un village sur les hauteurs de Marseille raconte son enfance, ses voyages chez ses cousins à New-York, sa passion pour le rap, et bien sûr, son histoire « IAM ».
Du coté de Paris, Joey Starr se dévoile dans Mauvaise Réputation : sa confrontation perpétuelle à un père brutal, une mère retrouvée après un long moment où il la croyait décéder, son école de la rue entre larcins, l’alcool, le shit à la cité à Saint-Denis, le rap, Kool Shen….
Le Johnny du rap français
Il est toujours de bon ton de se plonger dans les têtes d’affiche d’un courant musical, ceux qui transcendent leur univers et touchent toute la population. Les artistes qui galvanisent tant de personnes que cela en devient dérangeant. Comprendre ces machines du « star-system » est enivrant. Les Céline Dion, les Adèle, les Beatles, les Bruce Springsteen et autre Johnny Halliday. Et celui qui est en passe de gagner le pompon du Johnny du rap français est : Booba.
Un kids de 22 ans, originaire de Feurs, dans la Loire, a sorti son premier livre appelé « Booba, poésie, musique et philosophie.» L’auteur, Alexandre Chirat, est professeur d’économie et de sociologie. Dans ces pages, le jeune bien sous tous rapports offre une éloge du Duc de Boulogne. De Brassens à Booba, de Spinoza à « Pitbull », Alexandre délivre un essai fascinant sur celui qui est reconnu dans les pages comme un « grand poète contemporain ».