
Comment j’ai appris ce qu’était la Vraie vie.
La vraie vie, c’est quand tu dois t’épiler les sourcils tous les jours sous peine de faire tâche,
et que même en faisant ça,
tu en as un vicieux qui se mets à pousser dès que tu mets un pied au taff,
La vraie vie, c’est quand tu commences à te balader avec ta pince à épiler 24h/24…
La vraie vie c’est comprendre enfin pourquoi tu as un fer à repasser,
parce que froissé, ça passe pas dans le domaine professionnel,
clairement avec un pli, tu ne feras pas bien ton taff,
alors tu commences à haïr l’inventeur du dis fer.
Damn You, Henry W. Seely !
La vraie vie, c’est quand tout est « timé », et que la qualité de ta vie se mesure en secondes,
ton arrivée, ton départ, ça s’est supportable,
mais ça implique aussi ton déjeuner chronométré,
tes pauses “toilettes” pour lesquelles tu es susceptible d’avoir des comptes à rendre,
et finalement même les moments ou tu bois un peu d’eau parce qu’il fait 36° à l’ombre.
La vraie vie, c’est manger des sandwich, tous les jours de la semaine, voir ton frigo plein de “choses en tranches”,
de “choses à tartiner” et de “choses format voyage”,
c’est perdre trois kilos sans rien faire en “grignotant” au lieu de manger,
parce que tes tickets restos, tu les auras à la fin du mois, ben ouais.
La vraie vie, c’est quand on te propose un cadre de travail, enjoué, agréable, familial, et surtout sans gossips/critiques dans le dos,
puis que tu te rends compte qu’en fait, c’est surtout une petite balayette,
que tout le monde a choisi son binôme de crachage dans le dos,
et que si tu t’en trouves pas, ou pas le bon,
tu vas finir pas incarner le souffre douleur des fauves.
La vraie vie, c’est quand tu comprends que parfois, il vaut mieux fermer sa gueule,
quand tu dois piétiner ta morale et tes valeurs,
quand tu dois céder devant les dérives d’individus bien plus cons que toi,
et dire “oui chef, vous avez raison” en serrant les dents.
La vraie vie, c’est de la paperasserie,
en veux tu en voila, à n’en plus vouloir,
c’est des alinéas 4, paragraphe 3, sur ton contrat,
c’est se rendre compte que tant que ce n’est pas noté sur papier,
signé, paraphé et daté,
rien n’a de valeur, rien n’est sincère.
La vraie vie, c’est savoir que recevoir un compliment,
c’est parfois une critique,
un petit pouce tendu qui veux dire,
“pousses-toi de la, tu me fais de l’ombre”,
c’est reconnaitre le revers de la médaille.
La vraie vie, c’est quand en fin de journée, tu te sens “libérée, délivrée,”
mais que t’as même plus la force pour enchaîner,
avec “je ne mentirai plus jamais” à ma tâche de chef,
et que même ton compte en banque t’empêche le ; “c’est décidé, je m’en vais”.
La vraie vie, prôner affronter les problèmes,
mais en vérité, les renvoyer à son supérieur,
ou encore mieux son inférieur,
c’est un jeu de chaises musicales effréné.
La vraie vie, c’est te rendre compte qu’on se fout au fond de Toi,
ce qu’on veut, c’est que tu sois efficace,
que tu fasses ton taff, et que tu fasses pas chier,
c’est te rendre compte que ton bonheur est surnuméraire.
La vraie vie, elle fait peur, parce que c’est marche ou crève,
tu t’y adaptes et tu réussis, au prix de ta subjectivité,
de ton ego piétiné, de ton sourire plaqué en pancarte,
ou tu seras fustigé, jugé, déclaré non conforme.
La vraie vie, c’est quand tu te rends compte que tu n’as pas le choix,
que tu dois coller au moule, et consommer dans le moule,
fond de teint, chemise, brushing, déodorant,
café, manucure, soirées arrosées,
corporate attitude afin de rester dans le game.
La vraie vie, c’est d’être finalement payé à être juste dans ta fonction,
rien de moins que ce qu’on te demande,
mais surtout rien de plus sinon tu risquerais de briser l’équilibre collectif,
tu sais celui qui fait que les cons justifient leurs places de chefs.
La vraie vie, c’est n’avoir plus le temps que pour te reposer,
parce que de toutes les façons tu rentres dépitée,
épuisée, dégoutée, sans envie de faire des choses pour toi,
parce que les couleurs sont toutes devenues pastels.
La vraie vie, c’est quand tu ne rêves plus que de ta journée,
finis les souvenirs d’enfance, les rêves fantasmagoriques,
non tu rêveras de ce qui t’a déjà pris la tête,
tu te mets en condition pour supporter le lendemain.
La vraie vie, c’est quand on te dit que tu fais du super boulot,
que tu comprends tout super vite, que tu es efficace,
futé, doué en langues, souriant, bref tout bon,
mais qu’on ne va pas te garder, et qu’on ne te donnes pas de raison.
La vraie vie, c’est quand on t’enfume,
pour que tu ne fasses pas de vague en rangeant ton bureau.
La vraie vie, c’est une découverte, qui t’éclaire,
tu comprends enfin pourquoi tout le monde s’enferme,
pourquoi les bulles pro deviennent des bulles perso,
ça protège, ça permet de supporter le monde.
La vraie vie, c’est quand tu commences à te dire,
que tout ça c’est normal, que c’est ça la vie,
qu’en fait t’aimes bien ça, se plier au monde,
et que tous ont raison, sauf toi ;
La vraie vie, c’est quand tu deviens un mouton.
La vraie vie, c’est un masque,
c’est un déguisement sociétal hautement monétisé,
qui revêt le “vrai” pour occulter sa fausseté,
et tente de faire oublier La Vie tout court.
Fuck La Vraie Vie.