Pensiez-vous que passer votre temps à griffonner au stylo-bille vos feuilles au lieu de suivre le cours pouvait mener à la reconnaissance artistique ? Entre Cécile Bisciglia, exposée actuellement au château de Tours et la jeune Sarah Esteje aka ABADIDABOU, l’encre coule et roule sur le papier pour capter l’émotion dans le regard d’un éléphant ou la noirceur d’un requin blanc. Comme quoi, si votre enfant est distrait en classe, regardez ses cahiers avant de le gronder.
Il fut un temps, pas si lointain, où les grands penseurs de notre époque (cliquez sur le lien et pouffez) considéraient la Bande dessinée comme un art mineur. Que diraient-ils d’une toile de 2×2 mètres intégralement faite au stylo bille ? Sacrilège ? Non.
D’une tige d’encre bleue ou noire, Cécile Bisciglia fait vivre la douceur du regard d’un pachyderme. « C´est le regardeur qui fait le tableau » disait Marcel Duchamp. Alors regardez, le moindre trait. Imaginez le bruit redondant, hypnotisant et libérateur du stylo à bille qui griffonne sa toile. L’artiste du Bic fige le temps et capte la substantifique moelle de l’animal à l’ossature humaine. D’un geste, le clair-obscur de Rembrandt se mêle à l’air candide d’un éléphant et au râle d’un chimpanzé. Le dessin, monumental, conçu à coups de stylo aux infimes hachures corrobore la tension du geste, et le roulement de la bille, comme une mécanique bien huilée.
« Je cherchais un outil aussi graphique que le crayon de papier », explique Cécile, « Le Bic permet des subtilités dans le dessin que je n’avait pas avec d’autres outils ». Trait à trait, le style du stylo exprime les peurs, les doutes, la prise de conscience. L’artiste se livre à cœur ouvert par une composition répétitive, consciencieuse qui transpire la plénitude à la manière d’un mandala de sable tibétain. « Le bic, ça me centre, ça m’aligne ». Cécile Bisciglia est une artiste tourangelle, diplômée d’Arts Plastiques de l’université de Lille. C’est en 2009 que l’artiste s’est orientée vers le dessin au stylo Bic produisant ces formats monumentaux.
Dans le même registre, Sarah Esteje immortalise objet, animal et être humain avec un simple stylo. Son nom d’artiste ABADIDABOU est un mélange entre le cri de guerre de Fred Flintstone et de la chanson de Cendrillon, « Salagadou la menchika bou la bibbidi bobbidi boo ».
Elle a d’abord évolué dans le milieu de la nuit comme photographe au Social Club. Puis, pendant ses cours aux Gobelins, Sarah se met à dessiner avec son stylo. De la même manière que Cécile, Sarah désirait utiliser un objet plus «définitif» que le crayon à papier. En s’inspirant du courant hyperréaliste, et ainsi des portraits de Chuck Close, Sarah Esteje finit par trouver son style propre. Désormais, ces travaux sont utilisés dans toutes sortes de projets : covers d’albums (Bromance), une série sur le nu pour Raise Magazine, des illustrations pour des établissements comme le Social, une exposition au Point Éphémère, ou encore un peu de publicité avec Converse. En 2013, lors de l’annuelle transformation de la station Duroc en Durock, à Paris, pour le festival Rock En Seine, ABADIDABOU est venu poser sa marque de fabrique. Elle a conçu un hommage au clip « Birds » de Vitalic VTLZR par le biais d’un bouledogue saisissant de réalisme.
C’est deux mordues de l’encre bleue et noire ne doivent pas être les seules, il y a surement un courant stylo-réaliste qui se profile à l’horizon. Jeunes de Zep, de Rep, d’école privée et les autres, à vos stylos. Mais cette fois ce n’est pas pour une interro surprise, mais plutôt pour laisser sa pensée divaguer au gribouillage d’une fresque écrite bleu sur blanc (avec petits et grands carreaux).
Pour en savoir plus sur ces deux artistes vous pouvez découvrir leur univers sur leur Tumblr ou WordPress. Cécile Bisciglia présente actuellement son « Cabinet des Fragilités » au Château de Tours et ce, jusqu’au 1er Février 2015.