La semaine dernière, une annonce a fait un tollé dans le monde du huitième art. Peter Lik, surnommé par ses détracteurs le « Crocodile Dundee de la photographie » aurait vendu une de ses œuvres pour la modique somme de 6,5 millions de dollars. Il ne s’agit pas d’une vente publique, mais privée, de gré à gré. La question reste en suspens, est-ce une vraie vente ou un simple coup marketing du photographe ?
Les stars du marché de l’art tels qu’Andreas Gursky, Cindy Sherman, Edward Steichen et Jeff Wall se seraient fait détrôner par l’aventurier-photographe Peter Lik. Avec Phantom, vendu à 6,5 millions de dollars, il met la barre bien plus haut qu’Andreas Gursky, qui détenait le record avec Rhein II, vendue 4,3 millions de dollars.
Au cours de la même vente, le photographe australien s’est aussi séparé d’Illusion, pour 2,4 millions de dollars, et d’Eternal Moods, pour 1,1 million. Avec cette vente à 10 millions, Peter Lik place trois de ses photos dans le top 20 des clichés les plus chers du monde. Il avait déjà fait rentrer son œuvre One dans le top 20 en 2010, en la cédant pour un million de dollars.
Phantom est un cliché en noir et blanc aux formes voluptueuses, évoquant une radiographie pulmonaire dans laquelle flotte une fumée de gitane. C’est en réalité l’intérieur d’une cavité baignée de sable et d’un rai de lumière semblant presque irréel immortalisé dans le canyon Antelope d’Arizona. Depuis trente ans, le photographe parcourt les plus beaux sites naturels de la planète. Lik est connu pour ses photos panoramiques, de grande taille, dont la qualité de tirage en ferait pâlir plus d’un. Il se trimballe la plupart du temps avec un Linhof Technorama 617 et des kilos de pellicule Fuji. Il imprime la plupart de ses photos sur du papier argentique Fujiflex, ce qui augmente la sensibilité à la lumière et l’éclat, et contribue à saturer les couleurs lors de l’impression. L’ensemble de son œuvre ne fait cependant pas l’unanimité des critiques.
Certains y voient un rapport mystique à la nature et à la lumière, mais d’autres jugent ses œuvres «vulgaires, plates et tape-à-l’œil», rapporte le Guardian. L’artiste lui, explique que le but de ses photos est de «capturer le pouvoir de la nature et le transmettre de façon à susciter la passion et un lien sacré à l’image». Quoi qu’il en soit le photographe a acquis une renommé aux Etats-Unis qui lui a permis d’avoir son propre show TV Lik. – récipiendaire de nombreux prix – et de jouer dans la série télévisée de NBC, From the Edge with Peter Lik.
Revenons à la triplette polémique. Cette vente à 10 millions reste une hypothèse car elle n’a pas été publique. Il faut alors croire sur parole le photographe et l’avocat de l’acheteur. Ce dernier, Joshua Roth, du cabinet Glaser Weil Fink Howard Avchen & Shapiro à Los Angeles, est bien connu du milieu.
C’est un collectionneur d’art averti, il est aussi conseiller du directeur du Musée d’art contemporain de Los Angeles (MOCA). Selon ses dires Crocodile Dundee a juste fait une bonne affaire : « Ce n’est pas parce que le prix semble irrationnel à certains que cette vente n’a pas eu lieu ! Aux Etats-Unis, le fait de mentir publiquement sur une transaction est puni par la loi. Je ne risquerais pas ma carrière pour fabriquer une histoire, et la même chose vaut pour l’avocat de Peter Lik, qui est très réputé ». Ce n’est pas l’avis de Martin Parr, l’un des plus grands photographes-documentaires britanniques de son époque : « Je n’ai jamais entendu parler de lui, c’est assez étonnant. J’ai regardé son travail aujourd’hui c’est un bon photographe professionnel ».
D’autres envoient des critiques explosives à l’instar de Michael Hoppen, galeriste réputé en Angleterre : « C’est une abomination ! Je me souviens quand il a vendu sa photo (One, ndlr) en 2010, ma mâchoire a chuté. Qui pourrait être amené à se séparer d’1 million de dollars pour cette image. Vous auriez pu le faire avec un iPhone ».
C’est vrai qu’il y a un aspect Instagram gargantuesque dans l’œuvre de l’Australien. Lik est-il un fumiste ? Un technicien de la photo ou un artiste ? L’histoire le dira.