Lier sexualité et religion reste un parcours du combattant. Homosexuel ou bi, ils sont catholique, musulman ou juif et ils racontent leur coming-out et les déboires qui vont avec.
Marie-Hélène grandi entre écoles privées, catéchisme et messe le dimanche. « Dans ma jeunesse, je me suis posée des questions sur l’homosexualité, mais j’ai repoussé ce sentiment ». La native de Dijon se marie, avec un homme qu’elle aime. Trois enfants et deux petits-enfants, plus tard, ils se séparent. Un an après sa rupture avec « le seul homme » de sa vie, à 48 ans, elle « décide d’assumer, et de rencontrer des femmes ».
« Le plus compliqué, l’avouer à ma mère de 80 ans »
En couple avec une autre femme, elle saute le pas. Les premiers au courant, ses enfants, « ont été étonnés, ils ont mis du temps à digérer l’information ». Mais ils sont « bienveillants », tout comme ses frères et soeurs. « Le plus compliqué, l’avouer à ma mère de 80 ans. » Un soir, alors que Marie-Hélène dort dans la même chambre que sa mère, lors d’une réunion familiale, elle fait son « coming-out ». « Je lui ai tout dit, mon adolescence, mon amie actuelle. J’étais étonnée de son acceptation à mon égard. Elle était contente que je lui dise la vérité ». En vacances pendant une semaine, elles ont discuté « de (sa) sexualité et de (sa) conjointe ; un grand moment qui nous a uni ».
Aujourd’hui, elle est épanouie dans sa sexualité mais aussi dans sa foi. Elle continue de prier, mais plus à l’église. Elle a renoué avec sa spiritualité grâce à une association LGBT Chrétienne, David et Jonathan. Marie-Hélène espère que l’Eglise, « qui n’accepte pas » ses amours, deviendra plus ouverte, plus inclusive, à l’image des membres de sa famille qui l’accueillent chaleureusement.
« Etre juif et homosexuel, j’ai mis huit ans à l’accepter»
« Le judaïsme s’applique à tout ton quotidien, jusqu’à l’assiette que tu dois choisir pour dîner. Alors avec qui tu dois coucher », souffle Aaron*, la trentaine. Pendant 20 ans, Aaron a grandi dans le « respect des traditions et de la religion ». Lorsqu’il a compris qu’il aimait les garçons, il quitte la région P.A.C.A.
A Paris, il tombe amoureux d’un « goy » (non-juif). Il arrête d’aller à la synagogue : « pendant 5 ans, j’ai mis de côté ma religion, mais elle me manquait ». En vacance, un vendredi soir, Aaron* crée la discorde lorsqu’il annonce lors du repas du Shabbat qu’il aime les hommes, « d’une manière très froide, comme un médecin qui vous annonce que vous êtes malade. » Son père n’a jamais avalé la pilule.
Grâce à la diplomatie de sa mère, il est de nouveau convié au repas de famille. « Etre juif et homosexuel, j’ai mis huit ans à l’accepter » et c’est passé par l’accord de ses parents. Aaron a eu une proposition d’emploi à Londres. Il pense à partir. L’adoption pour un couple homosexuel y est plus facile. Une aubaine pour celui qui veut avoir des enfants.
« Être avec un homme, c’est l’enfer, le péché. »
L’exil, c’est parfois la seule solution pour se trouver. Kaba*, originaire d’un petit village en Mauritanie, a connu sa sexualité en émigrant. Dans son pays natal, l’homosexualité est taboue. « J’ai connu ce mot en arrivant en France, en 2010 ». Il a grandi avec ses 20 frères et sœurs, dans « une famille très aimante et musulmane ».
Arrivé à Paris, il est vite tiraillé entre ses désirs et sa religion. Il rencontre un homme avec lequel il reste trois ans. « Il voulait le dire au monde entier ». Mais Kaba, avec la timidité d’un enfant, a encore du mal à prononcer le mot homosexuel. Kaba est toujours croyant. Il « essaie » de faire ses 5 prières par jour, sauf quand il est en couple. « Être avec un homme, c’est considéré comme l’enfer, le péché », selon la charia de son pays d’origine. Et il prie après avoir péché, pas pendant.
À 25 ans, son rapport à l’homosexualité ressemble à celui d’un enfant qui a peur de ses parents. Sa sexualité, ce serait une « bêtise », et Kaba « prie pour demander le pardon de Dieu. Et lorsque je demande de l’aide à Dieu et qu’il ne me l’accorde pas, c’est à cause de mes bêtises ».
« Avouer aux membres de ma famille ? Jamais ! » Ce jeune musulman dévoile son coming-out à l’écran. Il écrit un premier court-métrage autobiographique, dans lequel il se met en scène. Kaba passe désormais au long format, « le tournage commencera entre juin et septembre ». Si le film fonctionne en France, Kaba quittera Paris. « J’ai peur qu’on me fasse du mal. Du rejet de ma famille et de mes amis pratiquants. » Son cercle de travail, des artistes, connaît sa sexualité, mais les Mauritaniens qu’il côtoie à Paris et connaît depuis l’enfance, « ils n’aiment pas les homosexuels, ils se moquent souvent d’eux, et moi aussi quand je suis avec eux ». Kaba ne s’assume pas, au point de jouer un rôle, « c’est un péché, peut-être qu’en l’avouant, je dépasserais ça, mais pour l’instant je me cache, je préfère mentir ». Un autre « péché » qui tourmente Kaba.
*Les noms ont été modifiés.
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