
Quand exposer son petit Jésus devient un problème de droit public.
Un an après la première polémique autour de la présence de crèches dans les mairies, le débat autour de l’exposition du petit Jésus revient sur la place publique et n’en finit pas d’échauffer les acteurs de la scène politique française.
Dans un pays fondé sur des origines chrétiennes fortes, les défenseurs de la laïcité, principe constitutionnel qui gouverne notre pays, s’insurgent contre cet « étalage religieux » généralisé sur les places des églises. La polémique s’articule autour d’une seule et même question : les crèches portent-elles atteintes à la laïcité publique ? Cette interrogation faisant l’objet d’un vide juridique certain, il faut bien tenter d’y répondre en ces temps contrariés par des questions religieuses de grande ampleur.
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. »
Le respect du christianisme, terreau de la France, fait partie intégrante de la vie des français. Ancré culturellement dans un pays encore profondément troublé par les attentats du 13 novembre 2015, le sujet se trouve confronté au respect de la laïcité, principe édicté par l’article 1 de la Constitution Française : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. […] ».
Le 18 novembre dernier, l’Association des Maires de France (AMF) a publié un vade-mecum, sorte de guide qui incite les maires français à retirer leurs crèches des espaces publics. Sans valeur juridique, ces recommandations n’ont pas pour autant effrayé les responsables de la vie publique, qui ont pour la plupart décidé de « vaincre cet extrémisme laïque ».

Le problème est simplement que les crèches ne doivent pas venir perturber les valeurs de la République telles qu’énoncées par la Constitution qui régit le droit public français. Créées depuis le Moyen-Âge, ces dernières sont profondément enracinées dans nos traditions pendant la période de Noël. Néanmoins, en faire l’exposition sur les voies publiques paraît contraire au principe de laïcité. Le tout est donc de trouver la juste mesure pour garantir le respect de deux valeurs antinomiques mais communes à un certain nombre de citoyens.
Car si l’on part du principe de dissimuler tout signe religieux et ostentatoire durant la période des fêtes de fin d’année par exemple, quid de l’étalage immodéré des célèbres petits santons de Provence sur les marchés, dont la création fait partie intégrante de notre histoire et de notre culture depuis des siècles ?
La loi de 1905 garante de la laïcité
Il y a fort à parier que la jurisprudence devra creuser le débat encore longtemps, avant que ne soit donnée une réponse qui puisse convenir à tous les français. En attendant c’est naturellement vers la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État (qui interdit «d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires ainsi que des musées ou expositions ») que continueront de se tourner les gardiens de la laïcité française pour défendre leur cause.

Il est certain qu’en région provençale, il sera difficile de faire remballer tous les santons sur les marchés de Noël… Profondément symboliques et ancrés dans l’histoire même de la Provence, il sera plus prudent de considérer que ceux-ci, simplement exposés et non mis en scène dans un cadre religieux, ne font pas l’objet d’une atteinte à la laïcité publique mais bien d’une exposition d’objets appartenant au folklore provençal.
Ainsi, la réponse la plus évidente à donner est qu’aujourd’hui, tout est une question d’interprétation de la tradition, mais aussi de la loi. Même si le législateur ne peut pas dire « Amen » à tout, tant que celle-ci ne le stipule pas expressément, le petit Jésus pourra donc toujours « crécher » sur la voie publique sans trop de représailles…