À l’approche de Noël, il est de bon ton de faire œuvre de générosité.
Mais donner au fond, n’est-ce pas recevoir ? Le Grand Bestiaire tentera de discerner la possibilité d’une différence entre l’Homme normal et le Donneur.
Apprenons à donner avant qu’il soit trop tard.
Ne devenons pas le “Donneur” ce tout-puissant qui humilie les non-donneurs !
Petit essai tout en syllogisme, armé des outils philosophiques et psychanalytiques.
Comment ceux qui donnent peuvent ils être si fermés ? Mais donner au fond, n’est-ce pas recevoir ? Nous avons tous rencontré un(e) Donneur-se qui nous a choqués ; mais pourquoi est-ce étonnant ?
L’Homme, cet égoïste :
« Égoïste : dénué de respect pour l’égoïsme des autres »
Ambrose Bierce
L’égoïsme est un tempérament qui consiste à avoir tendance à privilégier son intérêt propre aux dépens de celui du reste du monde en général, ou d’autrui en particulier.
D’un point de vue psychologique, l’égoïsme est l’amour de soi, la tendance naturelle à se développer, à se défendre, à se maintenir.
« L’Homme est un loup pour l’Homme. »
Citation du dramaturge Plaute 184 Av.J-C reprise par le philosophe Hobbes en 1600.
L’Homme est de par sa nature égoïste, ce fait est connu depuis la nuit des temps. La littérature et la philosophie débordent du thème maintes fois répété. La psychanalyse développe au début du siècle une théorie de l’esprit qui rend ce fait compréhensible.
Entre 1905 et 1939, Sigmund Freud théorise les spécificités de l’animal conscient qu’est l’Homme. Freud étant un ancien médecin et chercheur en biologie, il garde un esprit très scientifique dont il s’arme pour penser.
L’Homme est le seul mammifère à naître avant maturation, aussi bien sûr le plan moteur que neurologique. Un fait méconnu mais primordial dans la compréhension de cet égoïsme inhérent.
En effet si le petit d’Homme n’était pas, dans un premier temps, si dépendant de son environnement, peut-être ne serait-il pas si égoïste une fois adulte. Si le nourrisson ne se résout pas à téter, à crier quand il a faim, ou si personne ne lui apporte à manger, il meurt, c’est simple.
De plus, à cause de son immaturité neurologique, le petit d’Homme ne se rend pas tout de suite compte de la supercherie. Il pense être tout-puissant, il pense qu’il est la mère, le sein, le lait…
Puis il tombe des nues en découvrant qu’il ne sait rien faire par lui-même, ni se nourrir, ni se laver, ni même communiquer.
Or parce qu’il pense qu’il est tout, puis que tout lui est du, il va de déception en déceptions ! On lui demande rapidement de bien se tenir, de faire des efforts, alors qu’avant on allait jusqu’à lui changer ses couches… L’apprentissage de la vie est frustrant, douloureux, mensonger.
« L’égoïsme aspire à la solitude pour échapper à la dépendance.«
Henri Lacordaire
Voilà en résumé express, ce qui fait l’Homme égoïste de par nature. Le petit nourrisson dépendant nous le démontre aisément quand il crie à nous rendre fous.
Certains adultes sans doutes bouleversés par cette découverte de leur incapacité à se maintenir vivant dans l’enfance, deviennent des égoïstes exemplaires.
Vous savez bien, ceux qui vous poussent pour “la place dans le métro”, qui vous plantent à chaque rendez-vous, vos supérieurs qui se déchargent sur vous quand ils ont fait une boulette…
Oui, vous savez bien qu’on est tous l’égoïste d’un autre au final.
« Égoïsme : se plaindre de celui des autres, et ne pas s’apercevoir du sien.«
Gustave Flaubert
L’Homme n’est pas initialement gentil, il ne l’est que parce qu’il doit l’être. Nous avons alors atteint une seconde question, pourquoi l’Homme serait-il alors un “Donneur” ?
Le Donneur, cet égoïste déguisé :
Parlons donc des Donneurs, les protagonistes d’un nouveau type de lien social dont l’utilité est vitale. Nous parlons alors aussi bien des bénévoles animaliers-sdf que des associatifs tour-du-monteur et nous n’épargnons pas les engagés religieux-politiques.
L’altruisme est un terme employé pour décrire un comportement caractérisé par des actes n’ayant pas d’avantages apparents pour l’individu qui les exécute, mais qui sont bénéfiques à d’autres individus.
Si on suit cette logique à l’extrême, il faudrait donc que le donneur n’ait même pas la satisfaction de donner.
Nietzsche refusait déjà l’idée d’un altruisme désintéressé. Pour ce dernier, le culte de l’altruisme est une forme spécifique de l’égoïsme.
L’altruisme est, selon la psychanalyse et la philosophie, la face cachée d’un investissement beaucoup plus précoce “l’égoïsme”.
« En employant des désignations assez superficielles, on peut dire que l’individu connaît une tendance au bonheur, à l’égoïsme, et une tendance altruiste ; la première domine et la seconde qui a une valeur civilisatrice (...) se contente en règle générale d’un rôle restrictif. »
S.Freud
C’est un sacrifice mystérieux pour nous autres profanes qui ne donnons pas autant. D’autant plus que nous avons tous rencontré ou fréquenté des Donneurs, qui nous ont fait voir l’envers de cette pièce.
Des bénévoles très agressifs, ce qui semble, au premier abord, antinomique.
Exemples en pagaille :
« Le prêtre qui a refusé de me baptiser, parce que j’étais trop âgée.«
« Les bénévoles animaliers qui m’ont insulté durant toute une journée, pour avoir dit que leur procédés d’adoptions étaient « complexes ».«
« La psychologue qui m’a dit, votre fils, on ne peut rien faire, bonne chance avec lui.«
Mais la raison est simplissime, nous l’avons exposé ci-dessus. L’Homme n’est altruiste que parce qu’il le doit. De ce fait, même quand il s’engage dans un “don”, il y gagne quelque chose. L’Homme ne fait rien pour rien, c’est l’éthique de réciprocité : traite les autres comme tu voudrais être traité.
Cependant, cela ne fait pas de tous les Donneurs des égoïstes prêts à vous rembarrer. Ceux qui savent pourquoi ils donnent vraiment, ceux-là sont apaisés, car ils ont une raison qui justifie leur engagement. Une raison qui peut être issue d’un vécu, d’une morale, d’une croyance.
Ceux qui nous hurlent dessus sans raison alors qu’ils se targuent d’être “de bonnes personnes” ne savent sans doute pas pourquoi ils le font.
Peut-être que l’investissement ne vaut pas la chandelle, et qu’ils sont frustrés. Peut-être qu’ils donnent par pur égoïsme, se défendant contre leur nature qui revient au galop.
Voici donc le syllogisme :
Tout Homme est un égoïste, or les Donneurs sont des Hommes, donc les Donneurs sont des égoïstes.
La prochaine fois que vous rencontrerez une situation ou le Donneur prend plus qu’il ne donne, ne le prenez pas pour vous, plaignez-le.
Pour Noël, vous savez donc ce qu’il reste à faire, donnez oui,
mais donnez ce que vous ne voudrez pas reprendre !
Donnons avec gain de satisfaction, aimons ce que nous donnons,
Aimons-le donner, ou ne donnons pas.
Sinon nous aurons tout perdu le plaisir de donner,
et de par notre attitude de Donneur-égoïste ; le plaisir de faire plaisir au receveur.
Car même quand nous donnons, nous sommes égoïstes, assumons le !