
« Il fait plus chaud en prison », grommèle le prévenu dans la 16ème chambre du Tribunal correctionnel de Bobigny, où les procès s’enchainent. À 16 h, jeudi 24 novembre, dans cette salle de briques rouge, à la moquette vieillie et marron, Darius Cissé* arrive menottes aux poignés, encadré de deux policiers.
Il comparait pour des faits qui datent du 12 et 13 octobre. Selon le réquisitoire de la procureure, Darius serait coupable de « vol avec violence en réunion », « conduite du véhicule d’autrui sans son accord » et « délit de fuite ».
Histoire de vol ?
Entre la lecture des témoignages et des procès verbaux, trois versions s’opposent. La première, est celle de la victime Marty Kouri*. Le soir du 12 octobre aux alentours de 23h, Marty passe un moment d’intimité dans sa voiture, une Golf noire de 2012, garée devant son domicile.
Il est avec sa compagne du moment, Mme Candice*, mineure au moment des faits. Une voiture se met à leur niveau, une berline grise. La portière, coté passager est ouverte et la jeune femme est emmenée de force par une personne d’origine africaine dans la berline. Marty sort ses 90 kilos imposants de sa voiture pour sauver sa compagne. Pendant ce temps un second individu d’origine antillaise en profite pour pénétrer dans la Golf noire de Marty, démarre et s’enfuit avec la voiture.
Histoire de coeur ?
Le président de la cour, L.Bourgerie, entame le second témoignage, celui de Mme Candice, la prétendue victime d’enlèvement. Elle raconte à la police une autre histoire. Au moment des faits, elle sortait avec Darius et non pas avec Marty. Ce dernier tentait de reconquérir la jeune femme, et serait devenu violent. Mme Candice aurait alors alerté Darius par message. Le prévenu vient à sa rescousse et, sous la colère, emporte la voiture de celui qui se trouve sur le banc des victimes.
Selon le procès verbal, aux alentours d’une heure du matin, la police identifie la Golf noire de Marty. Les forces de l’ordre demandent au conducteur de se ranger, le jeune homme au volant refuse. Une course poursuite s’engage. Après quelques minutes, la Golf quitte la route et coupe à travers « espaces vert et parkings ». La voiture est laissée à l’abandon et le voleur perd un téléphone portable dans sa fuite.
Histoire absente
Le prévenu est appelé à la barre, il se défend seul et donne la troisième version. L’originaire de Cayenne au menton relevé et au regard sombre ne répond que brièvement aux questions qui lui sont posées. « C’était pas moi, j’étais pas là. Je reste sur ma déposition » marmonne-t-il, le torse bombé sous un survêtement cramoisi brillant, à l’effigie du FC Barcelone. « Le téléphone ? Ce n’est pas le mien, je n’ai jamais eu de portable ». Il reste droit dans ses Oasics saumon, sans lacets. Peu bavard, Darius a un casier qui « parle pour lui », d’après la procureure C.Gaziot « vol, recel, violence sur policier, détention de stupéfiant, refus d’obtempérer ». Quel que soit l’issu du procès, il doit encore rester 1 an en prison, c’est surement pour ça que Darius ne sourcille pas face à la jeune représente du ministère public.
Lors de son interpellation chez lui, la police raconte que Darius se cachait sous des matelas. À « 2h du matin, je dormais, comme tout le monde, je ne me cachais pas », répond le prévenu à la barre, en souriant. Il explique qu’il dort beaucoup et ne travaille plus depuis qu’il s’est « fait tirer dessus ».
« Je fais une dinguerie »
Il jette un regard dans la salle et s’énerve d’un coup. « Ramène-moi dans ma cellule, que je dorme et que je fume ! À 16 ans vous m’avez mis en prison, vous vous attendiez à quoi ? Que je devienne un homme bien ?! » Sa mère s’approche du box, pour le calmer. Une femme à la coiffure afro tente de venir. Elle arbore un regard tendre et un joli sourire derrière son rouge à lèvre. « Toi ! Si tu t’approches je fais une dinguerie, dégage ! » Elle quitte la salle en courant dans sa paire de Oasics saumon, les mêmes que celles de l’accusé. Cette jeune femme qui sanglote, c’est Mme Candice. A l’instar d’Hélène de Troie, elle pense que « tout est de ma faute », elle croit qu’elle aurait « pu sauver l’homme que j’aime ».
Le jugement tombe, Darius Cissé* est jugé coupable à 10 mois d’emprisonnement, 1.670 euros de dommages et intérêts et 800 euros de préjudice moral. Qu’ils se rabibochent ou non, Darius et Candice ne risquent pas de se prendre dans les bras avant un long moment. « Les allers-retours en prison, certains n’en reviennent pas » disait Booba.
*Les noms ont été modifiés