Le Jardin des Tuileries s’est trompé de rive. Il aimerait habiter le septième arrondissement, avenues bien tenues ornées de bâtiments élégants, comme le sont ses allées et ses arbres. De son côté de la Seine le jardin jouit d’une perspective heureuse, de la Concorde au Louvre. C’est bien la seule raison qu’il a de rester où il est. Mais au fond il le sait bien, il est rive gauche. Il se prend d’intellectualisme, tombe amoureux de Deneuve, rêve de ministères, fait ses courses à la grande épicerie et de l’œil à la grande horloge d’Orsay.
Au nord, déjà trop d’affairement, de boutiques, de grands hôtels, les Tuileries aspirent au calme. Bien sûr il y a eu du grabuge dans le coin, le plus vieux parc parisien en en a vu des révoltes, même une révolution. Et encore aujourd’hui, le jardin s’énerve quelques semaines par an, pour une fête foraine ou une fashion-week.
Ne nous y trompons pas, ce sont de menus sacrifices pour la tranquillité des nymphéas de l’Orangerie. Le voici l’esprit rive gauche, comme pour faire un pied de nez au musée par excellence, les Tuileries en pincent pour l’impressionnisme et la photographie contemporaine, le sulfureux d’une époque à l’autre. La philosophie se fait dans les cafés de Saint Germain, se plaignait la Sorbonne, l’institution Louvre regarde du coin de l’œil du côté du Jeu de Paume. Non loin de là, la terrasse du (presque) bord de l’eau respire l’élégance d’une robe de cocktail Saint Laurent, encore une histoire rive gauche. La perspective et le tombé sont question de lignes. Celles des Tuileries sont d’une rigueur à toutes épreuves, la symétrie règne en maitre, si peu contrariée par la valse joyeuse des chaises, tournesols de métal suivant la courbe du soleil. Les chaises du Luco et le rectiligne à la française du Champs de Mars. Mais se sont vers d’autres champs que se tourne l’estrade politicienne pour l’esbroufe défilante d’un certain jour de juillet. Très peu pour moi chantonne le jardin, j’aime mieux mes feuilles mortes et les chansons de Prévert…