
Le Binge-watching est-il uniquement réservé au petit et grand écran ? La troupe de La Piccola Familia répond directement par la négative avec le projet pharaonique qu’est Henry VI. Une pièce de théâtre de 18h racontant l’épopée la plus palpitante de l’histoire d’Angleterre, même les plus frileux lâcheront Netflix et Game Of Thrones, pour cette performance, garanti !
Le monde se divise en deux catégories : ceux qui regardent une série épisode par épisode, dès sa sortie et ceux qui regardent la saison intégrale, dès que celle-ci touche à sa fin. Une enquête dévoilée en février dernier démontre que 2% des 33,4 millions d’abonnés Netflix ont visionné l’intégralité de la deuxième saison de The House Of Cards dès le weekend de sa sortie. Cette tendance pourrait se confirmer par la progression de Netflix en France. Les créatures de série usent et abusent des « cliffhangers », ces suspenses interminables qui ponctuent chaque fin d’épisode et créent une frustration grandissante chez les téléspectateurs. L’attachement aux personnages contribue aussi à ce phénomène, de même que la curiosité insatiable de connaître les dessous de l’intrigue. Autres facteurs clés d’explication : les services de vidéos à la demande et les plateformes streaming qui favorisent cette consommation. En proposant des vidéos en illimité, ces services se révèlent vite addictifs pour les adeptes de série télé. La question qui se pose, pourquoi ne pas en faire de même avec le théâtre ?

Thomas Jolly, metteur en scène d’Henry VI le dit lui-même lors d’une interview à FranceTvInfo, il est « friand de séries télévisées » et c’est pour cette raison qu’il a « placé ses entractes dans des endroits stratégiques pour ménager le suspense ». De là à dire que La Picola Famillia a réinventé le théâtre il y a un pas d’éléphant, mais ils l’ont mis au goût du jour. Pour parvenir à capter l’auditoire tout est mis en œuvre. Humour noir et burlesque, acteur dénudé, guerre fratricide, une révolution paysanne dirigé par un Russel Brand du 15ème siècle. Les Borgias, ou Les Tudors à coté c’est du petit lait ! Sur 13 heures de spectacles (hors entracte), la troupe de 21 comédiens, change de rôle et d’ambiance, de la farce à la tragédie en passant par une free-party et un carnaval à l’italienne. Une histoire qui traverse Jeanne d’Arc, la guerre de Cent Ans, puis celle des « Deux Roses », avec plus de tristesse que l’épisode du décès de Ned Stark et plus de d’interrogation à chaque fin de cycle qu’une saison de Lost !

Une œuvre de cet acabit tient aussi par la force du « résumer des épisodes précédents » géré d’une voix magistrale par Manon Thorel. Humour et sarcasme pointent ses monologues lors des 7 entractes qui ravissent littéralement le public. Les costumes et la scénographie feraient pâlir d’envie les créateurs du SteamPunk et mouiller dans son pantalon les techniciens de Broadway ou de Robert Haussein. Le reste du casting est également impeccable. Pier Lamandé en sombre et discret Comte de Salisbury donne la réplique à Eric Challier qui se fond, à la manière de Benicio Del Toro, en Duc d’York revanchard et pragmatique. Thomas Germaine en ingénu Henry VI est divinement insupportable, c’est hélas son fardeau, le roi christique que tout spectateur veut voir finir sur la croix. Libidineux, peureux et vicieux Damien Avice en duc de Suffolk, prend des aires de Brad Dourif, dans le Seigneur des Anneaux et la liste est encore longue… À cheval entre le cinéma, la série télévisé de grand standing et le Théâtre, la pièce Henry VI risque de redonner vie à un secteur qui devient de plus en plus précaire.
Toujours pas convaincu ? Regardez la première partie ci-dessous et vous foncerez prendre une place, pour ce Star Wars de jadis et naguère, aucun doute.
Lors d’un événement organisé à Mexico il y a quelques jours, Reed Hastings, PDG de Netflix, a annoncé qu’avec l’avènement de ce type de plateformes, le modèle de la télévision telle qu’on la connaît aura disparu d’ici 2030. Le Théâtre pourrait en faire de même si le public est au rendez-vous d’événement dans la veine d’Henry VI.

La Picola Familia présente Henry VI sur la Scène National de Sceaux (92) Les Gémaux du 3 au 14 décembre et au Théâtre de l’Europe de l’Odéon du 2 au 17 mai 2015. Retrouvez toute les dates ici.
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